Monsieur le Président, (Monsieur le Ministre-Président), Mesdames et Messieurs les Ministres, Chers collègues,
Encore aujourd’hui, des millions de femmes se voient refuser leurs droits fondamentaux. Et la situation, loin de s’améliorer, semble s’aggraver. Nous constatons un recul des droits des femmes dans un certain nombre de pays. Même en Europe, le constat est inquiétant. En France par exemple, une femme décède tous les trois jours sous les coups de son conjoint.
Il est indispensable de rester attentif en Fédération Wallonie-Bruxelles. En effet, une enquête sur la violence à l’égard des femmes réalisée par l’Agence européenne des droits fondamentaux démontre l’ampleur de cette problématique en Belgique. En effet, 36% des femmes de plus de 15 ans interrogées indiquent avoir été victimes de violence physique et/ou sexuelle rejoignant les statistiques internationales d’une femme sur trois ayant déjà été victime de violence dans le monde. Malheureusement, ces chiffres sont largement sous-estimés, une majorité de femmes n’osant pas en parler à son entourage.
La violence peut prendre de nombreuses formes.
Elle peut être physique, mais également psychologique, économique ou sexuelle. Elle peut être verbale ou silencieuse. Elle peut avoir lieu dans son couple, à l’école, au travail, dans la rue ou dans les transports publics. Elle est multiforme mais dans la majorité des cas, la victime de ces violences est une femme.
Les statistiques manquent en Belgique pour l’appréhender de manière complète, notamment en ce qui concerne les violences sexuelles et morales. C’est pourtant indispensable pour élaborer les politiques les plus adéquates aux niveaux les plus appropriés.
En mai 2001, le premier Plan d’action national contre la violence faite aux femmes a été élaboré en Belgique. Il n’y a donc pas si longtemps. Pour changer les mentalités, il faut souvent une génération.
En août dernier, des photos de chaussures ont déferlé sur les réseaux sociaux en provenance de Turquie. Objectif: appuyer une députée qui, excédée du sexisme affiché par ses collègues, a menacé de leur balancer sa chaussure à la figure.
Certains jours, comme la députée turque, j’ai aussi envie d’enlever ma chaussure et de l’envoyer à la tête de ceux dont la violence de propos est inacceptable !
En effet, si nous trouvons tous dans cette assemblée que les violences physiques sont intolérables, les violences psychologiques ou sexistes, le sont pour moi tout autant!
En tant qu’homme et papa de deux jeunes filles, je pense qu’il est temps de faire comprendre qu’à travail égal salaire égal, qu’insulter une femme en rue à propos de son physique est une véritable violence! Considérer que des métiers sont essentiellement féminins ou masculins est une grossière erreur et très certainement une atteinte à la liberté de chacun! Les jeunes filles qui s’inscrivent dans des filières majoritairement fréquentées par des garçons, comme par exemple la Construction, sont en butte à de multiples vexations quotidiennes. Il faut que cela cesse.
Cette banalisation de la violence commence très jeune, dans les cours de récréation, à la télévision. La plupart de nos jeunes y sont confrontés, sans toujours se rendre compte de sa gravité.
Mi-2008, la Direction de l’Egalité des chances avait lancé un Appel à projets sur les inégalités entre les filles et les garçons dans l’enseignement de la Communauté française. Un des enseignements de ces études est la réussite scolaire grandissante des filles et la persistance d’aiguillages professionnels différenciés. Actuellement, les stéréotypes sont toujours là, ils peuvent prendre des formes variées, y compris peu visibles. Le lieu le plus adéquat pour essayer de les déconstruire : l’école. Mais une animation sur le sujet ne servira à rien si elle est en contradiction avec ce qui se dit ou se vit au quotidien dans les familles. Il y a encore un important travail de conscientisation à faire dans notre société. Nous travaillons d’ailleurs dans ce Parlement sur la modification des cours philosophiques et la création d’un cours d’éducation à la Citoyenneté. Quel meilleur lieu d’apprentissage du respect et des droits des femmes que dans ce cours ?
La FWB mène depuis plusieurs années un effort soutenu afin de prévenir la violence dans les relations amoureuses chez les jeunes. Elle lance également des campagnes dans les médias dont la dernière « Fred et Marie » montre très bien ce que peut être cette violence conjugale au quotidien, et comment en sortir. Car il convient de rappeler que la violence conjugale n’est pas une fatalité, que si les femmes doivent trouver le courage d’oser en parler, les hommes ne sont pas non plus obligés de vivre avec leurs démons. Je tiens à souligner ici le travail des associations qui accompagnent ces couples et ces hommes qui veulent s’en sortir. Je félicite également les association accueillent et viennent en aide aux femmes battues.
Mais les femmes doivent lutter chaque jour contre cette violence sournoise, ces propos sexistes, ces sourires entendus. Cette violence n’est pas quantifiée, car elle ne se voit pas, et ses victimes ne déposent pas plainte, mais elle existe malheureusement encore.
Le 25 novembre dernier était la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Ce débat thématique est pour le MR l’occasion de réaffirmer l’intérêt que nous portons à ce thème.
Le 11 septembre 2012, la Belgique a signé la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Cette Convention constitue le premier instrument juridiquement contraignant prévoyant un ensemble de mesures dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la violence faite aux femmes et la violence domestique.
Le quatrième plan d’action national de lutte contre la violence entre partenaires et intrafamiliale arrivera bientôt à échéance. Le nouveau plan d’action devrait s’inscrire dans la logique de la Convention d’Istanbul et s’élargir aux violences sexuelles.
Aux violences sexuelles s’ajoutent, à travers tous les pays d’Europe, des attaques répétées contre l’avortement. En tant que libéral convaincu, je considère que chaque homme, que chaque femme peut jouir pleinement de son corps. Mon parti a d’ailleurs rappelé son engagement en faveur du droit des femmes lors des élections de mai dernier. Le terme « femme » est présent à plus de 132 reprises dans notre programme. Preuve s’il en est que nous considérons les problématiques touchant les femmes comme essentielles.
Parce que la lutte contre les violences faite aux femmes doit être menée à tous les niveaux de pouvoir, l’accord du gouvernement fédéral prévoit qu’ « une attention particulière sera portée à la répression et aux traitements des délinquants sexuels et des auteurs de violence intrafamiliale. Dans ce cadre, les lois du 15 mai 2012 et du 15 juin 2012 seront ainsi adaptées afin que l’interdiction temporaire de résidence pour les auteurs de violence intrafamiliale (domestique) puisse être appliquée et maintenue de manière effective ».
Nous nous dirigeons donc dans la bonne direction pour lutter concrètement contre les violences faite aux femmes mais les mentalités, elles, vont prendre du temps à évoluer.
Ce lundi, Madame la Ministre des droits des femmes nous a communiqué sa note d’orientation générale. Nous pouvons tous partager sa volonté de donner pleinement aux femmes la place qu’elles méritent au sein de notre société. Garantir le droit à l’égalité au travail, garantir le droit à disposer de son propre corps, garantir le droit à l’intégrité physique et psychique ainsi que garantir le droit à ne pas être stigmatisée sont des droits fondamentaux qui ne sont, malheureusement, aujourd’hui, pas encore acceptés par tous. Certains voient toujours en la femme un objet, une chose à leur disposition. Nous ne pouvons plus tolérer au sein de notre société ce type de comportement.
Malheureusement, outre de beaux principes, je n’ai vu aucun objectif chiffré. Je n’ai vu aucune disposition concrète pour lutter contre les violences intrafamiliales. Je n’ai vu aucune disposition concrète pour lutter contre les violences morales. Je reste sur ma faim, Madame la Ministre et je ne manquerai pas de vous réinterroger sur ces questions en commission.
Pour conclure, permettez-moi de citer l’actrice Emma Watson devenue ambassadrice de l’ONU en faveur de la lutte contre les violences faite aux femmes : « Les hommes, au même titre que les femmes, ont le droit d’être sensibles. Les hommes, tout comme les femmes, devraient se sentir libre d’être forts… Il est grand temps que nous appréhendions l’égalité comme un spectre, au lieu d’y voir deux idéaux distincts et opposés. Si nous arrêtons de définir les autres en fonction de ce qu’ils ne sont pas et si nous cherchons plutôt à nous définir par ce que nous sommes, cela nous rendra plus libre.
Je veux que les hommes relèvent ce défi, afin que leurs filles, leurs soeurs et leurs mères n’aient pas à subir un quelconque préjudice ».
Je vous remercie.